Fake fotos for fasebuk


Jean-Rivel Fondjo

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Fake fotos for fasebuk

La modernisation et l’avancée des technologies ont handicapés de nombreux photographes autour de moi, et spécialement ceux qui ne pouvaient pas accéder aux numériques (par manque de moyens ou de connaissance). Les autres luttent pour continuer et avoir les moyens de survivre. Cela a conduit au chômage de nombre d’entre eux. Les photographes n’ont plus besoin de couvrir les fêtes d’anniversaire, les événements d’entreprise, les baptêmes. Les gens, pour diminuer les coûts, préfèrent utiliser leurs propres appareils photo, leurs téléphones portables et leurs ipods pour faire ce travail.

Dans une tentative de survivre, de poursuivre et de continuer dans la photographie, j’ai créé les “fausses photos pour Fasebuk”. Le principe est de prendre en photos les clients, spécialement les étudiants et de charger les photos sur leurs profils du réseau social le plus populaire appelé Fasebuk. Ils disent qu’ils cherchent des amis, d’autres des maris venant d’Europe ou du continent d’Obama, le pays de leur rêve.

Heureusement ou malheureusement, mon studio de photo est situé sur le campus universitaire de Kumasi au Ghana. Il y a quelques années, j’avais pris l’habitude de prendre environ une trentaine de portraits d’étudiants par jour, ce qui était très rentable pour moi. Avec l’arrivée de la photographie numérique, ma clientèle a diminué drastiquement. Le monde a changé, Fasebuk a surgi, les appareils photo numériques prêts à photographier, fabriqué en Chine ont envahi nos marchés locaux. De l’autre côté, l’ordinateur est devenu le nouvel outil pour le photographe moderne dans ce monde moderne. Cette globalisation - je n’ai pas eu d’autres choix que de changer - m’apprend comment faire des “fausses” photos, c’est à la mode et cela profite essentiellement à Fasebuk.

Cela m’a pris du temps avant d’être complètement équipé : appareil photo numérique, ordinateur équipé d’un logiciel de retouche, et être prêt à affronter le marché.
Chaque jour que je passe dans mon studio, ils entrent en groupe, veulent se faire prendre en photos. Ils disent : “Svp, j’ai des boutons à photoshoper sur mon visage” ; “Rendez mon visage lisse, c’est pour mettre sur Fasebuk”. Une fois leurs demandes notées, je les fais poser, un petit “faux” sourire et je déclenche. Généralement, leurs cheveux, leur maquillage sont tous faux mais cela leur convient. Une photographie ordinaire coûte 2 cedis ghanéen (0,8 euro) mais je prends 2 cedis en plus pour la retouche, qu’ils sont prêts à payer. Je rentre à la maison avec de l’argent plein les poches mais ensuite je dois passer toute la nuit devant mon ordinateur pour remplir la part de mon contrat.

Le lendemain, c’est comme si les photographies avaient subi une intervention chirurgicale : les visages sont plus lisses, les couleurs sont séduisantes mais tout est faux. Quand ils se regardent, ils sont contents de ce qu’ils ne sont pas mais de ce dont ils rêvent de devenir. Ils voudraient que Dieu remodèle leur visage en fonction de leur cahier des charges. A mon niveau, je suis un « petit Dieu » : mes créations seront sur Fasebuk. C’est le monde dans lequel nous vivons. Un monde d’illusions où les gens ont des rêves irréalistes et où les gens perdent quotidiennement leur valeur culturelle à cause de la modernisation et de la globalisation. Je ne fais qu’enregistrer ces moments mais je suis aussi coupable. J’essaie seulement de survivre dans ce monde.


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